Ouest France13/10/2010 - Inscris-toi gratuitement et surfe sans pub !
Espiègle, séduisant, avec un regard de cocker attendrissant et doué d'une intuition terriblement affûtée par-dessus le marché... Pas de doute, Patrick Jane ¯ le héros de la série Mentalist ¯ a de quoi envoûter près de 9 millions de spectateurs, chaque mercredi soir, sur TF1. Mais, quand il lui suffit de prendre les mains d'un témoin pour savoir que celui-ci ment ou qu'il devine l'identité d'un preneur d'otage masqué, fait-il preuve d'un très bon sens de l'observation ou de dons plus « particuliers » ?
« Le mentalisme regroupe des techniques utilisées par l'homme pour développer ses capacités de déduction, d'observation, de rapidité d'esprit et, au-delà, de prémonitions, visions et télépathie, explique Pascal de Clermont, mentaliste professionnel, qui raconte son parcours dans Mentaliste (Éditions du Moment). Patrick Jane n'est pas un mentaliste complet car il n'a pas de 'visions'. Mais il y a une explication rationnelle à cela : s'il disait 'je sais', il n'y aurait pas d'histoire. »
Peut-être les producteurs ont-ils aussi voulu éviter de se couper d'une partie des spectateurs en flirtant trop avec le surnaturel... Bruno Heller, le créateur de la série, a fait appel à un mentaliste américain reconnu, assure Pascal de Clermont.
« Une forme d'hypnose »
Et cela se ressent, selon lui. « Quand le héros pose des questions à brûle-pourpoint, comme 'Est-ce que vous avez tué untel ?', il introduit une forme d'hypnose. Cela casse le schéma conventionnel. Du coup, le cerveau lâche prise. » Comme quand l'inspecteur Columbo revenait vers les suspects, déjà soulagés de le voir partir, et leur disait « Ah, au fait... »
Ces pratiques laissent toutefois les psychologues circonspects. Le mentalisme n'est pas reconnu, « dans la mesure où il ne s'appuie pas sur une formation universitaire », rappelle le syndicat national des psychologues. Pour Christophe Ballouard, vice-président de la Fédération française des psychologues et de psychologie, « Patrick Jane incarne une caricature du psychologue, capable de décrypter les attitudes d'autres personnes à leur insu. Ses intuitions sont trop fulgurantes pour être réalistes ».
Même Pascal de Clermont avoue que le réalisme de la série a ses limites. « Aux États-Unis, il y a deux ou trois villes où des mentalistes sont engagés par la police. Mais dans la vraie vie, ils n'accompagnent pas les policiers sur le terrain, contrairement à Patrick Jane. » Sans doute parce que si on le voyait moins à l'écran, la série perdrait beaucoup de son charme...
Florence LE MÉHAUTÉ.